Cet article[1] s’intéresse à l’accueil que la France a réservé aux réfugié·e·s juif·ve·s d’Allemagne au cours des années 1933–1938. Il montre combien ces hommes et femmes ont été chaleureusement accueilli·e·s aux premières heures de la crise provoquée par l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933. Il donne à entendre les voix des hommes du gouvernement français de la Troisième République mais aussi celles de la communauté juive de France. En toute logique, les motifs de cet accueil sont interrogés, qu’ils aient été politiques en termes de rayonnement diplomatique pour les uns, ou humanitaires pour les autres. L’article poursuit l’analyse et montre une rapide évolution vers le rejet. Pour cela, la crise économique et la montée de l’antisémitisme d’extrême-droite sont invoqués, tandis que les mesures administratives coercitives sont explicitées. Néanmoins, il est démontré que ces hommes et femmes ne subissent pas mais agissent. Il est fait appel aux concepts d’esquive et de transgression pour souligner qu’il existe des marges de manœuvres. Une étude de cas basée sur le parcours d’un couple de réfugié·e·s juif·ve·s d’origine polonaise illustre les différents types de stratégies utilisées pour faire face à l’exclusion. Enfin, l’article se ferme sur les premières heures du régime de Vichy, régime autoritaire par définition, qui reprend et intensifie la politique d’exclusion du régime précédent. Vichy n’hésite pas à avoir recours à un internement systématique des réfugié·e·s juif·ve·s, ni à prendre part à l’organisation de la déportation des Juif·ve·s en France vers les camps d’extermination nazis en territoire polonais. Enfin, le texte de Erich Maria Remarque, Les exilés (1939), est utilisé à plusieurs reprises afin de souligner la permanence des mécanismes de rejet dont les réfugié·e·s sont victimes, d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Artikkeli käsittelee Ranskan tapaa ottaa vastaan juutalaispakolaisia Saksasta vuosina 1933–1939. Siinä nousee esille juutalaisten, niin miesten kuin naisten saama lämmin vastaanotto heti Hitlerin noustua valtaan 1933. Artikkeli esittelee niin Ranskan kolmannen tasavallan hallituksen edustajien kuin maan juutalaisväestön äänet. Vastaanoton motiiveja arvioidaan kriittisesti todeten, että joillekin toimijoille ne olivat poliittisia pyrkien diplomaattiseen vaikuttamiseen ja toisille humanitäärisiä. Analyysi osoittaa, että vastaanotto rapautui nopeasti muuttuen kielteiseksi. Kirjoittaja arvioi tämän takana olleen tekijöitä talouskriisistä äärioikeiston nostamaan antisemitismiin sekä hallinnon pakotteisiin. Kielteistä ilmapiiriä ei kuitenkaan hyväksytty sellaisenaan, vaan juutalaiset miehet ja naiset haastoivat aktiivisesti välttelyn ja pakotteet pyrkien osoittamaan mahdollisuudet toisen tyyppiseen toimintamalliin. Tapaustutkimus Puolasta tulleesta juutalaispariskunnasta erittelee hyvin erilaisia strategioita syrjäytymisen välttämiseksi. Kirjoittaja päättää artikkelinsa Vichyn hallituksen ensimmäisiin vaiheisiin, mikä autoritäärisenä toimijana vahvisti entisestään edellisen hallituksen syrjäyttävää politiikkaa. Vichyn hallitus ei epäröinyt käyttää keinona juutalaisten internointia, eikä osallistua juutalaisten karkoituksiin Ranskasta Puolassa sijaitseviin keskitysleireihin. Lopuksi kirjoittaja käyttää useassa kohtaa Erich Maria Remarquen tekstiä, Les exilés (1939), kuvatakseen kuinka pysyviä syrjäyttävät mekanismit, joiden uhreiksi pakolaiset, niin miehet kuin naiset joutuvat eilen, tänään ja huomenna.
– Un homme sans passeport, c’est un mort en sursis. Il a tout juste la ressource de se tuer, c’est tout ce qui lui reste à faire.
– Et avec un passeport ? ce n’est pas un passeport qui te donnera un permis de travail à l’étranger.
– Bien sûr que non. Mais cela te donne le droit de crever de faim tranquillement. Sans être sans cesse sur le qui-vive. C’est déjà pas mal.[2]
Pour écrire son livre intitulé, dans sa version française, Les exilés, l’écrivain Erich Maria Remarque n’a eu qu’à puiser dans sa propre expérience. Attaqué dès 1929 par la presse nationaliste allemande, harcelé par des attaques judiciaires orchestrées par les nazis dès 1932, il choisit finalement l’exil et racontera l’histoire de Ludwig Kern, Juif allemand devenu apatride, qui erre notamment entre Autriche, République Tchèque et Suisse. Ses propos font écho à ceux de l’abbé Glasberg, figure historique de l’aide aux réfugié·e·s en France. En 1946, l’ecclésiastique a exposé sa conception de ce qu’est la condition de réfugié·e.[3] Il a expliqué que
le réfugié n’est pas seulement un étranger, mais un étranger aggravé. Banni ou évadé, victime de conjonctures essentiellement politiques, privé de la protection de son gouvernement […] ; il lui manque ce qu’un juriste a appelé le troisième élément constitutif de l’homme moderne, après l’âme et le corps : le passeport.[4]
Ces deux textes publiés en 1939 et 1946 constituent des vecteurs de conscience et des ancrages référentiels, en même temps qu’ils jalonnent une histoire qui se poursuit depuis, et toujours, sur d’autres scènes. Des millions d’hommes et de femmes, notamment d’Allemagne, Pologne, Russie, mais aussi d’Espagne après la victoire de Franco, alors, de Syrie, Irak, Afghanistan pour n’en citer que quelques-uns, aujourd’hui, ont été et sont contraint·e·s à l’exil pour échapper à une répression, une discrimination, un enfermement, un assassinat. Cet essai est consacré à l’évolution de l’accueil en France des réfugié·e·s juif·ve·s d’Allemagne qui, de bienvenu·e·s sont devenu·e·s, en l’espace de quelques mois, des « indésirables » selon la terminologie d’alors. Il s’inscrit dans le cadre de recherches doctorales menées sur les stratégies de vie des Polonais·es et Juif·ve·s polonais·es venu·e·s vivre à Lyon (France) entre 1935 et 1945.
Les problématiques relevant de l’accueil des réfugié·e·s en France ont été largement abordées par les historien·ne·s français·es. Spécialiste de l’histoire de l’opinion publique, Pierre Laborie a mis en évidence que le problème des étranger·ère·s demeure entre 1938 et 1946 « une des zones névralgiques de l’imaginaire social » des Français·es.[5] Dès l’été 1936, la guerre d’Espagne qui occupe une « place primordiale […] dans les préoccupations des Français » devient un puissant symbole de référence et nourrit la crise de l’identité nationale par la perte des référents fondateurs de la République.[6] Dans leur système de représentation mentale, les Français·es associent les étranger·ère·s aux indésirables, et de cette confusion émerge le rejet xénophobe qui caractérise la période. Pierre Laborie soutient que les mécanismes mis en place, « de manière insidieuse, avant Vichy, semblent avoir installé, dans les têtes, une part de l’esprit de Vichy ».[7] Consécutivement, des historien·ne·s ont focalisé leur regard sur ces questions de continuités et de ruptures, ce qui a entraîné des tensions. Ainsi, Les origines républicaines de Vichy[8] de Gérard Noiriel ont été lues à travers ce prisme et perçues comme une tentative de justifier l’injustifiable. Or, l’historien ne cherchait pas à démontrer la continuité entre Vichy et le régime républicain, mais justement à rompre avec la problématique continuité/rupture « car elle enferme la réflexion […] dans une histoire de type évènementiel, incompatible »avec sa perspective sociohistorique.[9] Je considère qu’une analyse uniquement focalisée sur la question des continuités et discontinuités empêche une approche du point de vue des hommes et femmes. Il est permis d’émettre l’hypothèse que cela explique pourquoi les historien·ne·s n’ont pas exploré le champ historiographique des stratégies que les étranger·ère·s, les réfugié·e·s et les Juif·ve·s ont développé pour faire face aux discriminations et persécutions. En effet, postérieurement à ma thèse (2016), seul Jacques Sémelin, dans une version actualisée d’un précédent ouvrage s’est intéressé à cette question.[10] Au travers des archives de l’administration française (dossiers d’étrangers, circulaires), de la presse (nationale, régionale) ainsi que des débats parlementaires il est possible de produire une lecture plus inclusive de la question des réfugié·e·s.[11] À cette fin, je m’interrogerai sur les raisons qui ont incité la France à prôner le plus large accueil possible avant de refermer aussi vite ses frontières. Conséquemment, j’exposerai quelles sont les mesures mises en œuvre par l’administration française afin de limiter l’accueil. Enfin, je m’intéresserai aux hommes et aux femmes persécuté·e·s, objets de ce rejet, pour montrer que loin de subir, ils·elles agissent afin de trouver des solutions que je nomme esquive et transgression. J’expliciterai ces concepts en m’appuyant sur des exemples concrets d’un parcours de vie.
Statut et premier accueil
Jusqu’au XIXèmesiècle, aucun terme n’existe pour désigner ces hommes et femmes qui fuient pour survivre. Il faut attendre les deux dernières décennies du XIXème pour qu’une prise de conscience apparaisse. Le phénomène se développe au cours du premier XXème siècle, essentiellement au lendemain de la Première Guerre mondiale du fait de la dissolution des Empires, de la création de nouveaux États et des modifications inhérentes des frontières. En Russie, la Révolution, la famine et la débâcle des armées blanches ont chassé entre 1920 et 1921 plus d’un million et demi de ressortissant·e·s de cet Empire.[12] Ils·elles deviennent des « apatrides par une déchéance globale, forcée et automatique de leur nationalitépour des motifs idéologiques et politiques ».[13] En décembre 1921, l’universitaire et explorateur norvégien Fridtjof Nansen est nommé haut-commissaire chargé des problèmes relatifs aux réfugié·e·s de Russie en Europe. Dans la mesure où la libre circulation est une nécessité impérieuse pour ces réfugié·e·s, un premier pas est franchi en 1922 avec la création du passeport Nansen. Ce document équivaut à un titre de voyage pour ces populations en situation d’exil. Ce qui fait dire d’un Russe qui possède ce passeport dans le livre de Remarque: « Un passeport Nansen ? […] dans ce cas, vous appartenez à l’aristocratie des apatrides »[14] elle est la situation internationale lorsque Adolf Hitler accède au pouvoir le 30 janvier 1933.
Les premières victimes du régime hitlérien franchissent la frontière française le 16 mars 1933. Ces premier·ère·s réfugié·e·s sont essentiellement des militant·e·s d’organisation de gauche et pour beaucoup des intellectuel·le·s. Ils·elles quittent l’Allemagne à la suite de l’incendie du Reichstag et des 4 000 arrestations d’opposant·e·s ou de suspect·e·s auxquelles procèdent les Nazis dans la nuit du 27 au 28 février 1933.[15] Si les Juif·ve·s sont nombreux·ses, ils·elles sont souvent éloigné·e·s de tout sentiment identitaire. Ce sont les mesures de boycott des magasins juifs mises en place le 1er avril par une campagne nationale antijuive qui commencent à pousser aux départs : les Juif·ve·s ne peuvent plus croire qu’il leur est encore possible de continuer à vivre presque normalement dans l’Allemagne hitlérienne. Entre mars et août 1933, la préfecture de police de Paris enregistre 7 304 réfugié·e·s d’Allemagne ; il faut ajouter à ce chiffre celui de 2 500 clandestins.[16] L’arrivée d’Hitler au pouvoir a donc eu des effets quasi immédiats quant au départ de quelques-un·e·s, mais la plupart d’entre eux·elles, celles et ceux qui n’étaient pas politisé·e·s, commencent à quitter l’Allemagne essentiellement à partir des lois raciales de Nuremberg promulguées en septembre 1935. Chronologiquement, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne en mars 1938 provoque un nouvel afflux de réfugié·e·s et conduit indirectement aux violences de la Kristallnacht des 8–10 novembre 1938 qui précipitent à leur tour les départs. En mars 1939, la Tchécoslovaquie, déjà amputée des Sudètes depuis septembre 1938 est envahie par les troupes hitlériennes ce qui entraîne la fuite de Juif·ve·s tchèques ou réfugié·e·s en Tchécoslovaquie. Au cours de ces flux de population, sont également arrivé·e·s des Ostjuden, Juif·ve·s roumain·e·s, polonais·e·s et ukrainien·ne·s principalement. Ainsi, la population juive en France passe de 200 000 personnes en 1933 à 300 000 en 1939.[17]
Le premier accueil de la France est placé sous le signe de la compassion au sein de la communauté juive, mais aussi parmi certains groupes de population, dont les partis et syndicats de gauche non communistes, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue internationale contre l’antisémitisme, le Secours rouge international[18], des personnalités politiques et de nombreux intellectuel·le·s. Edouard Herriot[19], Maire de Lyon, s’inscrit dans cette mouvance lorsqu’il déclare en avril 1933 :
On ne doit répondre à la violence que par la sérénité et par la douceur. Je suis heureux que, dans cette réunion, aucune parole politique n’ait été prononcée qui puisse servir la haine. Il faut défendre ceux qui souffrent et, par cette fidélité au devoir humain, travailler à l’avènement de la confiance universelle.[20]
Pourquoi cet accueil ? La seule explication plausible quant à l’ouverture de ses frontières, alors même que des restrictions à l’immigration existent en Grande-Bretagne et aux États-Unis, relève de la politique étrangère.
À y regarder de plus près, la France est alors isolée diplomatiquement dans une Europe qui cherche l’apaisement. En accueillant des milliers de réfugié·e·s d’Allemagne, la France cherche à montrer la justesse de sa position intransigeante vis-à-vis des Nazis, ce qui fait dire au député socialiste Jules Moch s’adressant au ministre de l’Intérieur Camille Chautemps devant la Chambre le 5 avril 1933 :
La France, j’en suis sûr, voudra rester, dans cette Europe en folie le refuge de tous les persécutés.Des ordres, n’est-ce pas ? Monsieur le ministre, seront donnés à toutes nos frontières pour que ceux qui auront pu fuir les fusils Nazis […] trouvent chez nous cet accueil fraternel qui a été de tous temps la gloire et l’honneur de la France.[21]
Il précise même dans une circulaire (aux préfets en date du 20 avril 1933), que si les réfugié·e·s ne possèdent pas de visa, ils et elles seront « admis à pénétrer sur notre territoire sur simple énonciation de leur qualité », c’est-à-dire de se déclarer comme réfugié·e·s. On peut même supputer que la France cherche à reprendre une position dominante et accueille donc sans restriction les opprimé·e·s. Les effets de cette politique sont immédiats, comme en témoigne l’ambassadeur de France à Bruxelles : « Nous serions en droit d’en attendre pour les idées que défend notre pays, une atmosphère internationale améliorée »,[22] sous-entendu, une meilleure place dans le concert des grandes Nations et un prestige restauré sur le plan international. De plus, un revirement de la position anglaise est notable. Dans la presse anglaise, The Guardianse fait l’écho de la grossièreté de la position anglaise et déclare : « Aucun Français, peu importe qu’il soit nationaliste, réactionnaire ou même antisémite, aurait l’indécence de désigner les réfugiés allemands comme des ’étrangers indésirables’ ».[23] La France redore son blason. Par cette attitude, elle se défend d’être une fauteuse de guerre, un trouble-fête. Elle souligne sa position pacifiste et démontre combien sa politique de sécurité est nécessaire face à cette nouvelle Allemagne nazie. Ainsi, les réfugié·e·s sont l’instrument d’une politique étrangère dont la France se saisit presque avec précipitation, alors même qu’au sein du gouvernement, le président Edouard Daladier est favorable à la fermeture des frontières tandis qu’au contraire, le ministre de l’Intérieur Camille Chautemps plaide pour le maintien le plus large possible de l’accueil. Les conséquences d’une telle décision ne semblent pas avoir été mesurées, d’autant qu’il n’est pas recevable de penser que les hommes politiques aient conçu cet accueil comme temporaire. L’impression qui en émane est celle d’une grande confusion, une cacophonie où, alors qu’on « examine dans l’esprit le plus large et le plus libéral » les demandes de visa, des restrictions sont d’emblée apportées. Enfin, on est en droit de se demander dans quelle mesure, l’annonce officielle via l’Alliance Israélite Universelle (AIU) de la prise en charge par la communauté juive de l’ensemble de la responsabilité financière pour le secours aux réfugié·e·s, a précipité les décisions.[24]
Pendant les premières semaines de l’afflux des réfugié·e·s, la communauté juive française semble s’engager pleinement du côté de leur cause. Par l’intermédiaire de l’AIU, il a été annoncé que le coût de leur accueil serait totalement assumé par la communauté juive, ceci, pour éviter que les réfugié·e·s ne soient à la charge de l’État français. Cependant, après l’optimisme des premières semaines, une profonde inquiétude se développe. D’une part, les dirigeants de la communauté juive de France n’ont pas envisagé que le flux de réfugié·e·s serait aussi massif et qu’il s’installerait autant dans la durée. En d’autres termes, ils pensaient que ce serait provisoire. Très rapidement, les collectes de fonds ne couvrent plus les besoins en argent nécessaires à leur accueil. Aussi, le Comité national français de secours aux réfugiés allemands victime de l’antisémitisme, reconnu par le gouvernement français comme l’interlocuteur principal de la communauté juive, commence à demander l’assistance de celui-ci. De plus, un problème délicat se pose en ce qui se définirait comme une germanité trop marquée des réfugié·e·s juifs et juives d’Allemagne. Il est indéniable qu’il existe en France, même parmi les Juifs et Juives de France, un courant très anti-germanique. Ainsi, un journaliste déclare
Au début, c’est vrai, ils [les Juifs allemands] trouvèrent un accueil chaleureux et généreux. Mais, depuis, cela a changé. Les Juifs français se plaignent de ce que les nouveaux venus ont apporté avec eux les défauts particuliers des Allemands. Trop bruyants, trop convaincus de la supériorité de la civilisation allemande. Bref, de véritables « Boches ».[25]
Ensuite, des tensions politiques se développent entre l’élite juive française et les réfugié·e·s juif·ve·s. En effet, certain·e·s sont très politisé·e·s et appellent à manifester contre l’antisémitisme nazi. Par conséquent, des dirigeants de la communauté juive de France conseillent à ces militant·e·s juif·ve·s allemand·e·s de mieux se comporter, c’est-à-dire de ne plus manifester, afin ne pas attiser l’antisémitisme. Ainsi, à la fin de 1933, les relations entre les réfugié·e·s et le comité national de secours ont très négativement évolué. Il existe du ressentiment des deux côtés : aide financière insuffisante, reproche d’une attitude condescendante d’un côté ; reproche d’ingratitude et agacement, voire rejet de l’autre. Parallèlement, à mesure que la question des réfugié·e·s devient un « problème », l’on commence à en préciser le sens, un sens d’ailleurs bien différent de celui évoqué en introduction, où le·la réfugié·e était un·e banni·e de son pays au nom de la Liberté.[26] C’est ce que démontre la professeure de droit Danièle Lochak en se référant à Hannah Arendt. Cette dernière écrit en 1951 que désormais, les réfugié·e·s sont persécuté·é·s « non plus seulement, ni même principalement, à cause de ce qu’ils [ont] fait ou pensé, mais parce qu’ils [sont] nés pour toujours dans la mauvaise catégorie de race ou de classe ».[27] De surcroit, ils·elles sont perçu·e·s collectivement dans la mesure où il s’agit d’une fuite qui les plonge dans une masse informe indifférenciée incarnée par la figure du réfugié. En d’autres termes, la logique se trouve inversée et l’on est collectivement considéré·e comme réfugié·e selon le groupe de population auquel on appartient. Ceci a pour conséquence immédiate que les différences de traitement par les autorités françaises découlent de l’identité assignée, celle de réfugié·e politique d’une part ou de réfugié·e juif·ve d’autre part. Aurélie Audeval associe la première à une vision romantique et « aux bases mêmes de la constitution de la Nation française » tandis que la seconde « entraîne […] un rapport de charité et un agacement face à la charge représentée, ainsi qu’une suspicion face aux motifs qui ont poussé d’autres États à se débarrasser de cette population ».[28] Ce type de suspicion n’est pas sans rappeler une des pratiques de l’extrême-droite dont la pensée antisémite est portée par une multitude de ligues et partis indépendants les uns des autres, parmi lesquels on trouve le Parti populaire français, Solidarité française ou encore Francisme. Tous cherchent à radicaliser l’hostilité des Français·es car selon ces extrémistes, neuf sur dix sont « antisémites par instinct, sinon par raison, mais il n’en est pas un qui le proclame publiquement ».[29] Il est avéré que l’antisémitisme populaire, à la fois ”diffus, inorganisé, instinctif »[30] ou celui de conviction profonde, pour reprendre l’expression de Philippe Laborie, imprègne une grande partie de l’opinion française, « à droite, à gauche, chez les catholiques, dans tous les milieux professionnels ».[31] Aussi, les antisémites ne tardent pas à insinuer que les Juif·ve·s réfugié·e·s d’Allemagne exagèrent le récit des atrocités subies, qu’ils·elles ne sont pas si démuni·e·s qu’ils·elles le prétendent, ce qui fera écrire à Robert Brasillach en 1941 :
À Lyon… je vis arriver les premiers juifs d’Allemagne. Pas trop terrifiés d’ailleurs, toujours en relations avec des parents riches de Francfort ou de Berlin : des prévoyants de l’avenir qui se garaient avant des coups trop durs, mais dont l’exil – qui était alors sans souffrance et sans véritable persécution – étaient déjà orchestré en lamentations énormes par toute la presse des deux continents.[32]
Afin de toucher l’opinion publique française, en partie sensible à cet antisémitisme populaire, l’extrême-droite systématise son action. Dans la mesure où l’antisémitisme ne peut s’exprimer dans un cadre légal, tous les moyens possibles pour toucher la population et leurs pratiques sociales sont exploités : « livrets, brochure, journaux, affiches, tracts, caricatures constituent les supports les plus fréquents de la pensée judéophobe » ,[33] véritable doctrine qui utilise toutes les habiletés formelles, varient les angles et les styles d’attaques pour entraîner l’adhésion du plus grand nombre et donc le rejet des réfugié·e·s juif·ve·s d’Allemagne.
C’est dans ce contexte tendu que la France est finalement touchée par la Grande Dépression mondiale initiée en 1929. Le choc est d’autant plus violent que les Français·es se pensaient à l’abri les économistes n’ayant pas su lire les signes annonciateurs de la crise. Entre 1929 et 1936, le chômage quadruple, le chômage partiel suit une courbe encore plus vertigineuse tandis que le temps de travail diminue. Il est estimé qu’au début de 1935, sur 12,5 millions de salarié·e·s, deux millions sont sans travail. Les antisémites ne tardent pas à exploiter la conjoncture économique pour répandre leurs idées et l’extrême-droite d’affirmer que les Juif·ve·s menacent les emplois des Français·es. La situation économique désastreuse de la France liée à la Grande Dépression incite tous les gouvernements en place de 1933 au printemps 1936 à céder presque complètement aux mesures protectionnistes exigées par l’extrême-droite. Elles sont reprises par l’ensemble des politiciens modérés ainsi que par les journalistes, à l’exception de la majorité des politiciens de centre gauche et centre droit qui, malgré quelques ambivalences, s’opposent à la xénophobie.[34]La politique alors mise en place par les gouvernements successifs vise à restreindre l’accueil des réfugié·e·s en France. Quant à celles et ceux déjà installé·e·s en France, leurs conditions de vie matérielles sont rendues plus difficiles par une politique de préférence nationale.
Evolution de la politique d’accueil
En 1933, après la courte période libérale qui ne dure que quelques semaines, les restrictions apportées à l’entrée sur le territoire français ne sont pas un simple retour à la situation antérieure mais l’instauration en réalité d’un régime beaucoup plus sévère,[35] que les décrets-lois de 1938 vont encore aggraver. Vicki Caron retrace comment la France, alors qu’elle n’annoncera jamais la fermeture de ses frontières, met en œuvre une politique totalement en opposition avec son statut de Nation asile. Dès juillet 1933, le ministère des Affaires étrangères décide que les réfugié·e·s arrivant par un pays tiers autre que l’Allemagne ne pourront bénéficier du statut de réfugié·e. Seul·e·s les citoyen·ne·s allemand·e·s et les apatrides auraient la possibilité de tenter de l’obtenir. Ceci a pour conséquence immédiate qu’en septembre 1934, le ministère des Affaires étrangères français informe que les Juif·ve·s Est-européen·ne·s ne pourront accéder à un statut de réfugié·e spécifique.[36] Dans le même temps, la police des frontières reçoit ordre dès le 2 août 1933 d’interdire l’entrée en France de celles et ceux dépourvu·e·s de visa tandis que les consuls français en poste en Allemagne et en Europe ont pour consigne de réduire le nombre de visas accordés. Le 19 octobre, le régime libéral de délivrance mis en place en avril est abrogé, rétablissant le régime antérieur qui sera rapidement durci par l’instauration de critères plus restrictifs, notamment financiers : ne seraient pourvu·e·s d’un visa que celles et ceux possédant des moyens financiers substantiels. Enfin, en février 1934 une administration de la preuve de la qualité de réfugié politique est exigée. En d’autres termes, les autorités consulaires et la police des frontières ne sont autorisées à délivrer des visas ou pièces d’identité qu’aux personnes « en mesure de prouver qu’elles avaient été physiquement malmenées et que leur vie était menacée ».[37]
C’est en 1938 que sont signés les décrets-lois décisifs qui constituent une étape essentielle non plus seulement dans la conception de l’accueil des réfugié·e·s mais dans les conditions d’existence en France qui leur sont faites. Cet arsenal de décrets-lois est promulgué pour tenter de limiter et contrôler la présence des réfugié·e·s, et d’une manière plus générale, des étranger·ère·s en France. Le décret-loi du 2 mai 1938, s’il traite de la question des réfugié·e·s, n’en est pas moins l’expression d’une évolution de l’état d’esprit de l’opinion française et de l’État qui, de l’accueil compassionnel des victimes en 1933 a évolué vers l’idée de l’internement de tous les indésirables qui est prévu dans le décret du 12 novembre 1938. De réfugié·e·s à indésirables, ce glissement de la terminologie témoigne de l’évolution de l’opinion publique et de l’état d’esprit du personnel politique.[38] Si les hommes et femmes arrivant d’Allemagne sont d’abord considéré·e·s comme des réfugié·e·s (mars 1933), très rapidement, on commence à parler de ”faux réfugié·e·s” (mai 1933)[39], de ”réfugié·e·s d’Allemagne ou soi-disant tels”[40] et la distinction entre le vrai et le faux réfugié[41] devient l’un des principaux thèmes de discours. Ainsi, Edouard Herriot déclare le 29 janvier 1935 devant la Chambre :
La raison, le bon sens, la justice, l’esprit français et républicain nous incitent à faire la différence entre le véritable réfugié politique qui a droit à la protection […], et ceux qui, sous le nom de réfugiés politiques, se livrent à certaines pratiques inconciliables, non pas seulement avec les règles de la politique, mais aussi, avec celles du droit commun.[42]
Dans le même temps, progresse la conception d’une immigration utile et pour Philippe Serre qui est à la tête du sous-secrétariat d’État chargé de l’immigration créé le 18 janvier 1938 sur une idée d’Edouard Herriot[43], il s’agit de faire la distinction entre les étranger·ère·s utileset ce qu’il appelle les indésirables, principalement les Juif·ve·s d’Europe de l’Est entré·e·s illégalement en France. Si le sous-secrétariat fait long feu, le terme d’indésirablereste. Bien que la notion ne soit pas récente puisque loi du 3 décembre 1849 donne la possibilité d’expulser les indésirables, le discours administratif des années trente la généralise.
Tandis que l’administration décide de l’utilité ou de l’indésirabilité économique des étranger·ère·s, le statut de réfugié·e politique nécessite une administration de la preuve qui reste dans un premier temps aléatoire car elle ne suit aucune procédure établie, c’est-à-dire qu’aucun critère n’a été défini et qu’elle est entièrement dépendante du jugement du fonctionnaire chargé de l’instruction du dossier. Claire Zalc cite le cas d’un réfugié d’Allemagne menacé explicitement de stérilisation forcée dans un document qu’il fournit aux autorités françaises mais ceci ne constitue pas pour son interlocuteur administratif une menace suffisante pour lui délivrer le statut de réfugié. On pourrait donc considérer que le décret-loi du 2 mai 1938 est une avancée car il est mentionné dans l’article 2 que « les réfugiés politiques qui auront, à leur entrée en France, au premier poste frontière, revendiqué cette qualité dans les formes et conditions qui seront déterminées, feront l’objet d’une enquête administrative sur le vu de laquelle le ministre de l’intérieur statuera. »
Ces conditions sont par la suite précisées dans un document de la préfecture où il est expliqué que pour bénéficier du statut de réfugié, il est indispensablede le prouver en produisant attestations des autorités consulaires françaises, témoignages de détention pour des faits politiques d’une valeur morale indiscutée, extraits de presse ou de revue relatant les faits, documents établissant qu’il·elle était un·e opposant·e politique ainsi que des lettres de refus de visa prouvant qu’il lui est impossible de quitter la France.[44] Le décret-loi du 2 mai 1938 mentionne pour la première fois les termes de ”réfugiés politiques” (article 2), mais cette mention ne dissimule aucune vertu protectrice. Elle représente une volonté de contrôle et à terme, d’expulsion, comme en témoigne le document évoqué, qui s’ouvre sur une demande de démonstration de la preuve de la qualité de réfugié·e politique d’un·e étranger·ère et s’achève sur ce mot : expulsion[45]. Ce décret-loi, destiné à contrôler les étranger·ère·s, pose le premier jalon de l’internement : il autorise l’assignation à résidence de celui ou celle qui ne peut quitter la France. Le décret-loi du 12 novembre 1938 aggrave cette disposition, puisqu’à l’assignation à résidence s’ajoute l’institution de centres d’internement, dont le premier est ouvert à Rieucros en Lozère au début de l’année 1939. L’idée de ”camp de concentration” est clairement formulée dans les ministères.[46] On prévoit également qu’en cas de mobilisation, c’est-à-dire de préparatifs de guerre, tous les étrangers de sexe masculin âgés de dix-sept à cinquante ans devront être concentrés dans le plus bref délai possible dans des centres de rassemblement pour étrangers. Au moment de la déclaration de la guerre, les ressortissants allemands et ex-autrichiens sont, de fait, internés pendant de longs mois dans des camps insalubres. On peut donc affirmer que ces textes laissent sans solution le problème du statut des réfugiés et de l’exercice du droit d’asile.[47] Sur le plan international, une convention internationale, datée du 1er février 1938 et inspirée de celle de 1933, est rédigée et signée en faveur des réfugié·e·s en provenance d’Allemagne. La France ne la ratifie pas. La nationalité de l’émigré·e reste déterminante pour l’octroi du statut de réfugié. Ainsi, les réfugié·e·s juif·ve·s est-européen·ne·s ne peuvent se prévaloir de la protection internationale prévue par les conventions de 1933 et 1938. En juillet 1938, au moment de la conférence d’Évian, la France abandonne jusqu’à la prétention de demeurer une Nation asile. Puis, au cours des mois de l’année 1939 jusqu’à l’ouverture du conflit mondial le 1er septembre, la politique française à l’égard des réfugié·e·s, soumise à des forces contradictoires, sombre dans la plus grande confusion.
En ce qui concerne les réfugié·e·s, alors que les décrets-lois se veulent plus sévères, non seulement le flot ne tarit pas, mais la proportion de réfugié·e·s clandestin·e·s ne cesse d’augmenter. Au début de l’année 1939, sur 60 000 réfugié·e·s d’Europe centrale et orientale en France, 42 000 seraient illégaux.[48] Dans la mesure où les centres de rétention prévus dans le décret-loi du 12 novembre 1938 ne sont pas créés, les clandestins viennent grossir le nombre toujours plus important d’étranger·ère·s incarcéré·e·s dans les prisons françaises pour infraction au décret-loi du 2 mai 1938.
Politique intérieure
Sur le plan de la politique intérieure, les mesures se multiplient en faveur d’une politique de préférence nationale. Dès le 10 août 1932 a été adoptée à l’unanimité une loi destinée à ”protéger la main d’œuvre nationale” par l’établissement de quotas d’étranger·ère·s. L’application zélée qui est faite des mesures nouvellement arrêtées de 1934 à 1936 laisse penser que la majorité des Français·es est satisfaite. Puis l’État intervient davantage en imposant que toutes les industries dont les effectifs comportent plus de 10 % d’étranger-ère-s proposent des quotas. Les décrets se multiplient : seulement 72 en 1932–1933, puis 170 déposés en six mois à partir de novembre 1934, et enfin 383 dans les dix-huit mois qui suivent, soit un total de 553 en deux ans.[49] Edouard Herriot en séance publique du conseil municipal de Lyon du 21 novembre 1934 affirme cette fois : « Je vous prouverai que je suis convaincu, comme vous, qu’il faut accorder la priorité au travail français. […] Il ne s’agit pas de frapper brutalement, mais de mettre de l’ordre dans nos affaires ».[50] À l’évidence, cette mesure n’est pas directement mise en place pour nuire aux réfugié·e·s, mais ils·elles en subissent immanquablement les effets.
Parallèlement, des restrictions apparaissent quant à l’accès aux professions d’avocats et de médecins. « Contre l’invasion des métèques. Toutes les Facultés de France se sont mises en grève pour protester contre l’envahissement du corps médical français par les étrangers ».[51] C’est ainsi que l’Étudiant français, organe mensuel de la Fédération nationale des étudiant-e-s de l’Action française, mouvement d’extrême-droite, rapporte les manifestations qui se sont déroulés fin janvier-début février 1935 dans les principales Facultés de médecine de France. Toutes les sources indiquent clairement que les manifestations sont antisémites, ce qu’expose sans ambiguïté le docteur Louis Goubin :
Tous ces Roumains, et ces Polonais qui s’installent en France, qui sont-ils, en effet ? Tout ce monde a l’air de l’ignorer et cependant n’est-ce point un secret de polichinelle ? Qui ne sait pas que ce sont tout simplement des Juifs que l’on s’acharne à appeler Roumains ? Il vaudrait mieux, parlant de l’invasion de la médecine française, remplacer le mot étranger par le mot juif.[52]
Ces manifestations ont pour conséquence le vote de la loi Cousin-Nast en juillet 1935. Désormais, les dispenses d’examen dont pouvaient bénéficier les étudiant·e·s étranger·ère·s sont supprimées, et un délai de cinq ans pour qu’un médecin naturalisé puisse exercer des fonctions est instauré.[53] Menant une action plus discrète, les avocats ont arraché le même type de mesure dans leur secteur. Alors que de nombreux membres de la profession siègent au Parlement, ils ont obtenu dès juillet 1934 le vote d’une proposition de loi qui autorise aux naturalisés l’accès au barreau, à des fonctions publiques rétribuées par l’État ou d’être titulaire d’un office ministériel, seulement dix ans après avoir acquis la nationalité française.[54]
Des hommes et femmes qui agissent
Un temps bienvenu·e·s mais devenu·e·s indésirables du fait de la crise économique et de ses soubresauts qui touchent la France en 1935, les Juif·ve·s réfugié·e·s en France de la tyrannie nazie ont ceci de commun qu’ils·elles dépendent intrinsèquement de l’administration française qui fait basculer ce groupe de population d’un espace inclusif à un espace exclusif. Aussi, face à l’exclusion, les hommes et les femmes cherchent des solutions que j’ai choisi de nommeresquive et transgression. Ces mots ne sont pas synonymes mais impliquent l’existence de limites, mises en place ici par les gouvernements successifs de la Troisième République. Cependant, ces mots traduisent des actions qui ne se superposent pas : certaines actions s’opposent délibérément à la loi, c’est la transgression, quand d’autres représentent une prise de distance par rapport à la limite qui serait de l’ordre de l’esquive, du contournement, de l’évitement. De fait, esquive et transgression ne sont pas interchangeables en ce sens qu’ils répondent à des situations aux impératifs élémentaires pour le premier (se nourrir, se loger, travailler, subvenir aux besoins de sa famille) et vitaux pour le second (ne pas être interné·e·s dans un camp de concentration, vivre, sinon survivre). Je ne donnerais ici qu’un exemple de parcours de vie, celui de Laja et de son mari Ela Mielnik. Le 22 mai 1933, Laja et son mari Ela Mielnik entrent en France.
Ils arrivent d’Allemagne où ils ont exploité pendant dix ans un commerce à Francfort mais, comme ils sont Juif·ve·s polonais·es, ils ont dû partir par suite du boycottage de leur commerce. Ils font preuve de clairvoyance, et c’est une forme de stratégie car ils arrivent en France avec des machines et de la matière première pour reconstruire leur activité économique. De plus, ils ne vont pas à Paris comme la très grande majorité des réfugié·e·s juif·ve·s d’Allemagne, mais à Lyon. Pourquoi Lyon ? D’une part, ils y seront moins visibles et d’autre part Lyon est un pôle économique important. Dans la mesure où ils ont des clients en Suisse, Alsace-Lorraine et Sarre, cette situation géographique apparaît stratégiquement réfléchie.
Cependant le préfet de Lyon est suspicieux et écrit :
Ils se disent réfugiés politiques d’Allemagne. […] Ces étrangers seraient israélites […] Leur magasin aurait été boycotté, mais ils n’auraient pas été personnellement molestés ni menacés par les hitlériens. […] Entrés en France par Strasbourg le 14 septembre 1933 […]. Ils sont venus directement à Lyon, où ils exploitent une fabrique d’articles de maroquinerie. […] J’estime qu’il y a lieu de prononcer le refoulement des époux MIELNIK .[55]
L’emploi du conditionnel et autres tournures expriment la suspicion systématique. Effectivement, l’administration française leur adresse un arrêté d’expulsion : ils doivent quitter la France dans les 15 jours. Comme ils ne peuvent partir nulle part, n’y même en Pologne où ils n’ont jamais vécu, ils sont emprisonnés 8 jours pour « infraction à arrêté d’expulsion » c’est-à-dire pour ne pas avoir quitté la France. Dans le même temps, le président de la Chambre de commerce de Lyon et sa région répond au préfet du Rhône qui le sollicitait pour avis :
J’ai l’honneur de vous faire connaître que le Syndicat des fabricants d’Articles de voyage et Maroquinerie de Lyon et de sa région, […] estime en effet, que l’exploitation à Lyon par un étranger, d’une fabrique de maroquinerie, ne peut qu’être préjudiciable aux industries de cette nature. D’ailleurs, en ce qui concerne les articles de voyage d’un genre spécial que prétend fabriquer M. MIELNIK, ledit syndicat affirme que ses adhérents sont capables de les fabriquer et de les exporter. […].[56]
Dès lors, la stratégie que le couple met en œuvre est multiple : d’une part, les époux démontrent qu’ils ne peuvent partir dans un autre pays en fournissant des certificats de refus d’entrée dans les pays demandés. Dans une lettre écrite en français le 21 septembre 1935, Laja demande un réexamen de leur situation et argumente : « Mon mari et moi avons mis notre argent dans cette petite fabrique et nous ne savons pas où aller ».[57] D’autre part ils sollicitent les réseaux pour rompre leur isolement et multiplier les chances d’obtenir gain de cause. Il s’agit de la Ligue des droits de l’Homme, du comité d’assistance aux réfugiés d’Allemagne, du consulat polonais de Lyon et de l’association cultuelle israélite.
Cette dernière contacte leurs cinq salariés qui, dans une lettre adressée au préfet, demandent à ne pas être privés de leur emploi « pour leur éviter les ennuis du chômage en attendant un nouvel emploi impossible à trouver à Lyon dans leur spécialité ». Si cette dernière stratégie ne fonctionne pas car le couple est finalement contraint de fermer son atelier, l’arrêté d’expulsion est repoussé par périodes régulières de trois mois, ce qui met les époux Mielnik en règle avec l’administration mais les place dans une situation équivalente à celle évoquée par Erich Maria Remarque, celle de « crever de faim tranquillement ».[58]
Cette contribution s’est ouverte et se referme avec les mots de Erich Maria Remarque écrits en 1938. Le chaleureux accueil des premiers mois de 1933 n’a pas duré. Après 1938, le processus de non accueil des réfugié·e·s s’est poursuivi, en France et ailleurs. L’opinion publique, plus préoccupée d’elle-même que des autres, n’a vu en ces réfugié·e·s que des fauteurs de guerre dans un contexte de tensions croissantes. Les frontières se sont toutes fermées. Logiquement, les mesures prises sous la Troisième République ont préparé le terrain. En effet, le régime de Vichy qui a mis fin à la République après la défaite de 1940, est un régime autoritaire et collaborationniste. Il a maintenu puis intensifié ces mesures d’exclusion. Dès son instauration, le gouvernement de Vichy a arrêté, puis interné et à partir de 1942, il a déporté des adultes d’abord, des familles juives ensuite, vers les camps d’extermination nazi. Cependant, au martèlement inexorablement sombre et régulier des pas de l’exclusion, répondent dans ce macabre ballet pour la vie, des pas de deux, des pas de biche, des entrechats, des pas chassés avant un grand jeté : il existe des stratégies, des marges de manœuvre conçues par des hommes et des femmes dont le seul ressort est la volonté de vivre. Leur étude nécessite de se poser la question de la place de ces hommes et femmes dans l’histoire. Longtemps vu·e·s comme sujets dominés, les regards se sont concentrés sur les dominants et leurs politiques. La récente multiplication des histoires populaires[59] montre un glissement du regard, signe d’une volonté de donner la parole à celles et ceux qui en ont été privés. Rendre visibles les femmes, les ouvrier·ère·s, les étranger·ère·s ou les réfugié·e·s, les placer au cœur de la réflexion, nécessite de s’interroger sur les oppressions dans un premier temps, puis par un retour aux acteurs et actrices, d’éclairer leur conscience de soi et donc d’explorer leur capacité à agir, ré-agir. Là où on pensait qu’ils·elles ne faisaient que subir une administration toute puissante, ils·elles redeviennent ce qui intrinsèquement les constitue, des hommes et des femmes capables de choisir, d’organiser et développer des stratégies. Ces stratégies, qu’elles soient esquiveou transgressionse définissent par leur dimension évolutive et adaptative mais ce qui les différencie est aussi une question de degrés où l’unité de mesure serait le degré d’arbitraire dans les décisions prises par l’administration française. De ce constat en découle un autre : au fur et à mesure de la montée des tensions dans l’entre-deux-guerres, puis de l’arbitraire du régime de Vichy, on constate une exploration des multiples possibles. Toutefois, si les temps de paix voient le fleurissement d’esquives, les temps de guerre et de persécutions orientent vers davantage de transgressions. Ainsi, à l’arbitraire de plus en plus outrancier répondent des transgressions de plus en plus radicales. Cependant, il ne peut s’agir de compartimenter toutes les attitudes sous l’un des vocables ni de tracer une ligne stricte entre esquiveet transgression. Le contexte, l’identité, l’âge, le genre, le parcours des personnes concernées constituent autant de facteurs qui orientent la prise de décision. De plus, d’accord avec Jacques Sémelin, on peut penser que la peur de la sanction, et a contrario l’obéissance à la loi, retarde d’autant le passage à la transgression. Sanction, désobéissance et transgression effraient tout un chacun.[60] L’exploration de ces stratégies du quotidien est un champ de recherche prometteur.
Nous sommes au XXIèmesiècle et « la chance » des réfugié·e·s, pour reprendre le mot de Erich Maria Remarque, n’a pas évolué. Les réfugié·e·s nous sont montré·e·s comme une masse compacte, sans individualité, un déferlement menaçant. Il a fallu attendre l’image d’un petit enfant qui semblait dormir sur la plage pour déclencher la compassion. Aylan Kurdi, enfant syrien de 5 ans, retrouvé mort sur une plage de Turquie en septembre 2015, a ému le monde entier. Cependant, sa mort et celles de dizaines de milliers de réfugié·e·s demeurent la marque de nos siècles : « On abattait l’homme de Néandertal d’un coup de massue, le Romain d’une épée ; la peste emportait l’homme au Moyen Age ; nous, il nous suffit d’un bout de papier pour nous anéantir ».[61]
Laurence Prempain est docteure en Histoire de l’Université de Lyon 2, France. Elle est chercheure associée au Laboratoire de Recherches Historiques Rhône-Alpes (LARHRA, CNRS-UMR 5190), au Centre de Civilisation et d’Etudes francophones (CCFEF) de l’Université de Varsovie. Elle participe également au projet Diverging Fates. Circus people in Europe under National Socialismau Centre d’Etudes Nordiques (CENS) de l’Université d’Helsinki.
Bibliographie
Sources d’archives
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4 M 422 Statistiques des cartes délivrées (1938) ; états statistique en vue de la mobilisation (1939) ; états nominatifs des étrangers refoulés par les autorités allemandes de la zone occupée (1940)
829 W 60, n° 19 499 et 19 500 Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur. 19 février 1934 ; Lettre du président de la Chambre de commerce de Lyon au Préfet. 26 avril 1934 ; Lettre de Laja Niewiadowski au préfet du Rhône. 21 septembre 1935.
Archives de la préfecture de police, Paris (APP)
BA 2428 Lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur. 17 août 1939 ; lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur. 6 septembre 1939.
Centre des Archives Contemporaines, Fontainebleau (CAC)
880502/34364 Lettre de la Sûreté générale. 9 octobre 1933.
Ministère des Affaires étrangères (MAE)
Z 434 Europe Le ministère des Affaires étrangères au président de la Ligue des droits de l’Homme. 7 septembre 1934.
Z 710 Ambassadeur de France à Bruxelles au ministre des Affaires étrangères. 30 mars 1933.
Sources imprimées
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Concours médical
L’étudiant français
Journal officiel
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Manchester Guardian
L’œuvre
Le Progrès de Lyon
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Ouvrages consultés
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[1]Cette analyse s’inspire d’une thèse d’histoire soutenue en 2016 (sous la direction de Laurent Douzou). Prempain, Laurence 2016.
[2]Remarque 1939. Version française : p. 22.
[3]L’écriture inclusive existe depuis une quinzaine d’années en France. Le point médian permet une représentation égale des femmes et des hommes dans la langue écrite. L’édition chez Hatier en septembre 2017 d’un manuel scolaire pour les élèves de CE2 où le point médian a été utilisé, a ouvert un vif débat. L’Académie française a déclaré officiellement en octobre 2017 qu’il s’agissait d’un « péril mortel pour notre langue », et en novembre 2017 le premier ministre Edouard Philippe en a banni l’usage dans les textes officiels.
[4]Glasberg 1946, 39.
[5]Laborie 1994, 275.
[6]Laborie 2001a, 106.
[7]Laborie 2001a, 106.
[8]Noiriel 1999.
[9]Noiriel 2007, 478.
[10]Sémelin 2018.
[11]L’accueil des Juif·ve·s, des hommes et des femmes, est différent selon leur sexe de même qu’il existe des stratégies genrées. Ces aspects de la problématique de l’accueil des réfugié·e·s est développé dans ma thèse.
[12]OFPRA, De la Grande guerre aux guerres sans nom, une histoire de l’Ofpra, p. 4.
[13]OFPRA, Histoire de l’asile. https://www.ofpra.gouv.fr/fr/histoire-archives/histoire-de-l-asile, consulté le 17 février 2019.
[14]Remarque 1939. Version française : p. 25.
[15]Grynberg 1994, 131–148.
[16]Grynberg 1994.
[17]Schor 1985, 613.
[18]Le Secours rouge internationale est une organisation internationale, créée en Union Soviétique en 1922 et donc dans la mouvance du parti communiste.
[19]Edouard Herriot (1872–1957), membre du Parti radical et figure de la Troisième République française, est maire de la ville de Lyon de 1905 à 1940 puis de 1945 à sa mort. Sous son mandat, Il modernise la ville de Lyon.
[20]L’œuvre 3 avril 1933.
[21]Journal officiel, Débats parlementaires 5 avril 1933, p. 1893.
[22]Ministère des Affaires étrangères (MAE). Z 710. Ambassadeur de France à Bruxelles au ministre des Affaires étrangères, n° 252, 30 mars 1933, p. 6–7.
[23]Refugee Jews in France. Manchester Guardian 24 avril 1933, p. 9.
[24]Caron 2008, 37, et note 16. Dans les archives de l’Alliance Israélite Universelle (AIU), une note de Maurice Moch du 2 juillet 1971 précise qu’alors qu’il était le porte-parole du Consistoire central, « en décidant de donner l’hospitalité à tous ces malheureux, les gouvernements de MM. Daladier et Chautemps n’entendaient pas subvenir à leurs besoins et comptaient uniquement sur la charité privée pour leur venir en aide ». AIU, ms. 650, boite 12 (44) : Note sur les réfugiés d’Allemagne, 2 juillet 1971.
[25]Martin, « Ce qui se passe chez nous : les émigrés d’Allemagne en France et la question juive », La Terre retrouvée 25 mai 1936, p. 10. Cité par Caron 2008, p. 143.
[26]Lochak 2013, 33.
[27]Arendt, Hannah. L’impérialisme, Rééd. Gallimard, « Quarto », 2002, pp. 595–596. Cité par Lochak 2013, p. 34.
[28]Audeval 2016, 93.
[29]Batault, George. Israël contre les nations. Editions Saint-Remi, Paris 1939, p. 96. Cité par Schor 2005, 22.
[30]Schor 1985, 620.
[31]Laborie 2001b, 144.
[32]Brasillach, Robert. Notre avant-guerre. Paris, 1968, pp. 118 et 121 (réédition). Cité par Schor 1985, 625.
[33]Schor 2005, 15.
[34]Caron 2008, 108, 120–127.
[35]Ibid., 61.
[36]MAE, Europe, Z 434, p. 56. Le ministère des Affaires étrangères au président de la Ligue des droits de l’Homme, 7 septembre 1934.
[37]Caron 2008, 63.
[38]Zalc 1997, 259–274.
[39]Rapport du contrôleur général à la direction de la Sûreté générale. Cité par Zalc 1997, 263.
[40]Centre des Archives Contemporaines (CAC), Fontainebleau. 880502/34364. Lettre de la Sûreté générale, 9 octobre 1933.
[41]La forme féminine de faux réfugiéne paraît pas ici nécessaire car elle impliquerait que les contemporains aient envisagé que ces réfugiés puissent être des femmes.
[42]Journal officiel, débats parlementaires 29 janvier 1935, p. 258. Cité par Zalc 1997, 264.
[43]C’est du moins ce que dernier affirme. Le Progrès de Lyon 16 février 1938.
[44]Archives départementales du Rhône (ADR), 4 M 422. Statistiques des cartes délivrées (1938) ; états statistique en vue de la mobilisation (1939) ; états nominatifs des étrangers refoulés par les autorités allemandes de la zone occupée (1940)
[45]« Vous voudrez bien me retourner, dûment remplies, les notices ci-jointes, et me donner votre avis sur l’opportunité de prononcer son expulsion. »
[46]Archives de la préfecture de police (APP), Paris, BA 2428. Lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur, 17 août 1939 ; lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur, 6 septembre 1939.
[47]Vormeier 1989, 20.
[48]Caron 2008, 288. Les chiffres cités sont fournis par le pasteur Marc Boegner.
[49]Bonnet 1976, 303.
[50]Le Temps 21 novembre 1934.
[51]L’étudiant français 10 février 1935, p. 3.
[52]Goubin, Louis. L’envahissement de la profession médicale par les étrangers. Concours médical 30 juin 1935.
[53]Nahum 2008, 84.
[54]Journal officiel, 20 juillet 1934, p. 7347.
[55]ADR. 829 W 60, n° 19 499 et 19 500. Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 19 février 1934. Je souligne.
[56]ADR, 829 W 60, n° 19 499 et 19 500. Lettre du président de la Chambre de commerce de Lyon au Préfet, 26 avril 1934.
[57]ADR, 829 W 60, n° 19 499 et 19 500. Lettre de Laja Niewiadowski au préfet du Rhône, 21 septembre 1935.
[58]Remarque 1970, 22.
[59]Zancarini-FourneL 2016; Noiriel 2018.
[60]Sémelin 2013, 193.
[61]Remarque 1970, 431.